top of page

« Notre métier est en danger » : les couvreurs-zingueurs parisiens bientôt à l’Unesco ?

  • Photo du rédacteur: Romane MLNF
    Romane MLNF
  • 25 nov. 2024
  • 4 min de lecture

Les couvreurs-zingueurs parisiens sont en lice pour être inscrits au patrimoine immatériel de l’Unesco en décembre. Face à une pénurie de main-d’œuvre et aux défis environnementaux, ces artisans luttent pour la reconnaissance et la préservation de leur métier.



Sur les toits du 58 rue des Petites Ecuries, l’équipe de Cédric refait entièrement une toiture. Le zinc, ce métal gris argenté, couvre 80 % des toits de Paris. « Nous avons un très beau dôme le long de la façade, et de belles gouttières à l’anglaise », explique fièrement le chef de chantier pour l’entreprise Riccoboni, tout en désignant la gouttière soulevée par des pattes de métal soudées au dôme. De là-haut, entre les cheminées, la vue est spectaculaire : le Sacré-Cœur perce le ciel, l’Opéra Garnier s’impose, et la Tour Eiffel se dessine au loin.


Depuis des mois, la candidature des couvreurs-zingueurs parisiens à l’Unesco prend forme. « Tous les éléments sont réunis pour être reconnus, nous avons un savoir-faire, des représentants du métier et des réponses aux enjeux écologiques », assure Gilles Mermet, président du comité de soutien et représentant des toits de Paris. Le verdict sera rendu en décembre, à Asuncion, au Paraguay.

« Le zinc, l'ardoise, le cuivre ou encore le plomb donnent aux toitures parisiennes leur singularité. Les toits de Paris reflètent la diversité des toitures françaises », explique Cédric, tout en montrant sa plieuse parisienne, outil traditionnel permettant de façonner les feuilles de zinc avant de les poser.


Un métier en danger


À Paris, il manque 500 couvreurs-zingueurs chaque jour, selon les syndicats, laissant un millier de couvreurs-zingueurs débordés par les projets. « Certains chantiers sont planifiés depuis des mois, mais le jour venu, nous n’avons pas d’ouvriers pour les réaliser », témoigne Cédric. Pour pallier ce manque, les entreprises font appel à des intérimaires, parfois non formés, ou sous-traitent, souvent au détriment de la qualité des travaux. 

« Ce métier casse, il use, les jeunes n’en veulent pas », regrette Didier, chef de chantier côté rue, « on est exposé à la météo toute l’année, et la pluie, c’est le pire ».

Crise de vocation chez les jeunes


 « Il faut dix ans pour qu’un couvreur parisien soit totalement autonome », explique Cédric, couvreur-zingueur depuis vingt ans. Loïc, Compagnon du Tour de France  de 18 ans, évoque son parcours. « J’ai commencé par un CAP en couverture, puis une mention en zinguerie. Maintenant, je serai apprenti à Paris pendant un an avant de changer d’entreprises tous les six mois partout en France ».


Pour les parisiens, il est possible de se former en Centre de Formation et d’Apprentissage à Paris ou Alfortville puis au lycée professionnel Hector Guimard dans le 19e arrondissement. Les Compagnons du Devoir proposent aussi un parcours pour les couvreurs-zingueurs, tout comme l'Éco Campus du Bâtiment inauguré en 2022 à Vitry-sur-Seine. Loïc, jeune passionné, déplore “un manque de formation causé par une diminution des vocations… Quand je rencontre des personnes intéressées, j’aime leur faire toucher les matériaux, pour qu’ils aient le même déclic que moi ; celui de construire de leurs mains. »


Souvent, le métier se transmet en famille. Didier, chef de chantier côté rue, se confie sur sa carrière : « Mon père, mon oncle, mon frère et moi sommes tous couvreurs. » 

Cédric, lui, a transmis à son fils sa passion. « Ce n’était pas volontaire, je voulais qu’il fasse des études… En faisant son stage de 3ème, il a eu une révélation. Maintenant, il est Compagnon du Tour de France », dit-il fièrement.


« Notre métier est en danger »

« La reconnaissance par l’Unesco donnerait un coup de projecteur au métier, et idéalement attirerait des jeunes sur les toits », affirme Gilles Mermet tout en se promenant sur l'échafaudage.  « Dans cinq à dix ans, ce sera encore plus compliqué si rien ne change », prévient Cédric. 


Le salaire moyen d’un couvreur-zingueur à Paris est de 2 500 à 3 000 euros brut par mois, « nous sommes les mieux payés du pays, mais il faut avouer que la vie à Paris est chère, et nous faisons des heures de transport pour venir travailler », continue Cédric en finissant la soudure d’un ornement. 

Malgré tout, la passion reste intacte chez les artisans. « Je ne changerais de métier pour rien au monde », affirme Ricardo en pliant une feuille de zinc afin d’entourer une cheminée. « Notre métier est en danger. Pourtant, il est précieux. Chaque finition, chaque toit, c’est un peu de mon savoir-faire que je laisse ».



Les enjeux écologiques au coeur du métier

A quatorze heures, les ouvriers remontent agilement sur le toit. Sous les tasseaux qui seront recouverts de zinc, l’isolant se devine. Une étude de l'Apur en 2022 a montré que 42% des toits parisiens sont trop sombres et donc absorbent la chaleur. 


Les architectes de Roofscapes jugent le zinc vecteur du réchauffement de l’air parisien et impliqué dans la chaleur des chambres de bonnes, plus élevée que dans les étages. Ils expérimentent actuellement la construction de toits terrasses végétaux au-dessus des toits parisiens. Gilles Mermet, représentant des toits de Paris, assure « qu'une étude de VM Zinc démontre la propriété de refroidissement de l’air du zinc d’au moins 4 degrés les nuits d’été ».


De leur côté, les couvreurs-zingueurs défendent leur matériau. « Le zinc se fond et réutilise, c’est un circuit fermé. En plus, on isole toutes les toitures maintenant, ce n’est plus comme avant », souligne Cédric, en désignant un rouleau de laine de verre sur le chantier. 

Le choix des matériaux et des pratiques durables des couvreurs-zingueurs sont toujours en discussion, alors que leur métier subit de plein fouet d’autres crises. Pour tous les ouvriers du chantier, la reconnaissance du métier par l’Unesco pourrait être un tournant. 

« Notre savoir-faire a été mis en avant avec la restauration de Notre-Dame, mais aussi avec la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Il nous manque cette approbation de l’Unesco pour être totalement satisfaits », conclut Cédric.


Romane M.


Grand reportage écrit dans le cadre du module de techniques de bases rédactionnelles du CFJ.

Des noms ont volontairement été retirés.

Comments


Romane En Quêtes

Par Romane Moulineuf

  • Linkedin

Ne manquez rien • Abonnez-vous à la newsletter

  • Twitter
  • LinkedIn
  • Instagram

© 2023 par Romane avec Wix.com

bottom of page