Fin de vie à Lyon : cinq ans avec sursis pour avoir assassiné son grand-père par le feu
- Romane MLNF
- 27 nov. 2024
- 3 min de lecture
La cour d’assises du Rhône a délibéré jeudi soir au terme de deux jours de procès, Emilie Gutierrez a été condamnée à cinq ans d’emprisonnement avec sursis pour l’assassinat de Manuel Adell, son grand-père de 95 ans tué brûlé dans son lit le 23 août 2020.
Emilie Gutierrez, professeure d’espagnol de 33 ans et maman de deux enfants, était jugée pour avoir enflammé le matelas médicalisé et les pieds de son grand-père alité de 95 ans, décédé à cause des brûlures et de l’intoxication liée à la fumée dans la maison des parents de l’accusée près de Lyon.
« Vous avez à juger une femme ordinaire face à l’extraordinaire », lance l’avocat de la défense Thibaud Cleaus pour entamer sa plaidoirie. La cour a estimé que l’accusée avait agit avec préméditation, mais a reconnu l’altération du discernement après avoir longuement écouté les rapports psychologiques et psychiatriques des experts, appuyant « une décision réactionnelle, une altération du discernement et des troubles psychiques au moment des faits. »
« C’est d’abord le procès de la fin de vie », plaide l’avocat de l’accusée, alors qu’elle supplie face à la cour et au parquet « que cette loi passe ». Quelques mois après les vifs débats autour du projet de loi sur la fin de vie, le Premier Ministre Michel Barnier propose de relancer début 2025 la loi là où elle en était. A la barre, l’accusée lance, les larmes aux yeux mais avec sa famille derrière elle : « C’était pas à moi de le faire, c’était pas mon rôle mais celui d’un milieu médicalisé, je regrette la manière dont je l’ai fait, sa mort n’a pas été à l’image de sa vie. »
« Sous ces draps, j’ai vu un foetus qui n’avait plus que des os, recroquevillé dans ce lit. On discutait, il demandait rapidement à en finir. Au début on fait semblant de ne pas entendre… mais au bout d'un moment on ne peut plus », explique la petite-fille de la victime. Elle montre son sang froid en se défendant : « Les cachets, il faut les avoir. Une piqûre, il faut une seringue. Un coussin, il faut regarder, tenir et entendre. Pourquoi j'ai jeté la feuille et fermé la porte ? Parce que je ne voulais pas voir, je voulais qu'il parte dans son sommeil ».
« Vous l'avez fait pourquoi ? », interroge la présidente de la cour. «Parce que je l'aimais, parce que j'aime ma famille, parce que je voulais que ça s’arrête », répond instantanément Emilie Gutierrez, défendant l’euthanasie. Son avocat ajoute : « elle a fait le sale boulot pour les autres », serein face à la cour, avec un regard pour la famille bouleversée sur les bancs de la salle d’audience.
Romain Ducrocq, avocat général, accuse, les mains crispée mais le regard haut : « Vous brûlez votre grand-père et vous allez manger McDo ! », voyant un acte prémédité par le transport du bidon d’essence et un alibis parfait dans le besoin de change de son fils, permettant un arrêt dans la maison de ses parents sur la route du McDo. L’avocat général insiste sur la colère de la femme, dont les problèmes s'étaient accumulés entre adultère de son compagnon, éducation de ses enfants et échecs au Capes.
L’avocat en robe rouge déplore, au nom de la société, « un acte de cruauté pour un soulagement personnel. Une seule personne n'a pas le droit de vie et de mort sur une autre », accusant Emilie Gutierrez d’avoir gazé dans l’incendie un homme ayant survécu à la guerre. Il requiert quinze ans d’emprisonnement.
Thibaud Cleaus accuse le manque de législation : « Il y a des gens qui portent leurs anciens et qui souffrent, la loi ne suffit pas pour faire face à ces situations », plaidant pour une peine avec sursis. « J’ai déjà commencé ma rédemption, se défend Emilie Gutierrez, je ne peux pas abandonner mes enfants. J’ai déjà des remords. »
« J’ai peur, j’ai très très peur » s’effondre la victime à la simple évocation de son avenir en prison. A l’annonce du délibéré, la famille s’installe, comme depuis la veille, sur les bancs du tribunal. Les mains tremblent, certains retiennent leurs larmes, d’autres tentent de rester forts pour les autres. « Cinq ans d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’obligation de traitement psychologique », annonce la cour alors que l’avocat général fait la moue. Le père d’Emilie Gutierrez s’écroule, enlaçant ses proches, alors que l’accusée étreint son avocat pendant de longues minutes.
Romane M.
Article écrit après avoir assisté au procès en assise d'Emilie G., accompagnée d'Emmanuel Giroud pour la session AFP du CFJ.
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